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Jacques

Au bout d’une journée où l’incertitude régnait face à la nuit tempétueuse qui nous attendait, nous nous sommes dites qu’il était plus sécuritaire de sortir de Gaspé et nous diriger vers l’Ouest. Puis, comme un cadeau du ciel, nous sommes tombées sur Jacques, un Rimouskois de 71 ans qui accueille des couchsurfers pour partager son quotidien, mais aussi sa philosophie de vie.

À peine le seuil de porte de chez Jacques franchi, des affiches de la campagne Coule Pas Chez Nous contre le pipeline Énergie Est et plus largement les hydrocarbures qui tapissent les murs de son appartement nous révèlent de lui une âme militante et chaleureuse. Le décor nous dicte que ce monsieur a fait de sa vie une aventure par sa passion pour l’environnement qui l’a amené à voyager et à vivre à l’étranger. Irrévocablement, cette vision cosmopolite du monde l’a suivi jusqu’à Rimouski, où il en a fait un quartier général d’action citoyenne et de transition écologique. La liste est longue: que ce soit avec la ferme SageTerre, l’organisme de conservation Horizon Nature Bas Saint-Laurent, la COOP Alina, Québec Solidaire, Rimouski en transition et j’en passe, Jacques accumule les implications citoyennes.

– Tu la puises où, ta motivation, Jacques?
– Dans ton sourire, le sourire des jeunes.

Ça, c’est un précieux partage intergénérationnel. Finalement, la clé, c’est d’apprendre à s’unifier. Puis que l’on parvienne, nous les humains, à nous maîtriser: savoir qu’on a les moyens de, sans toutefois les utiliser. Des moyens surpuissants qui aujourd’hui détruisent ce pour quoi ils ont été créés.

Jacques nous conte aussi l’optimisme qui le transcende par le changement qu’il entrevoit et qu’il a hâte de vivre grâce aux mouvements sociaux qui se bâtissent chez lui et ailleurs. Sa bienveillance et son engagement sont une richesse qu’il partage, faisant de lui une source vitale dans le processus de bâtiment de communautés résilientes et solidaires dans son coin de pays, Rimouski.

Après un tour à la coop, un bon dîner cuisiné collectivement, il est déjà l’heure de quitter. Pour Jacques aussi, c’est l’heure: pas moins de trois rencontres l’attendent d’ici la fin de la journée.

SageTerre

Jacques nous conduit donc sur le chemin de la Ferme SageTerre, de laquelle il est fiduciaire. «Vous allez voir, Marie-Hélène et Jean sont tout bonnement incroyables», nous glisse-t-il à notre départ. Dix minutes plus tard, nous voilà déjà à destination.

Marie-Hélène nous accueille chaleureusement, sans contester le fait que deux inconnues souhaitent discuter de sa vie et de transition écologique avec elle. Bien au contraire, c’est un échange long d’au moins une heure qui s’engage, si ce n’est plus. Ici, on ne voit pas le temps passer.

SageTerre, c’est le résultat d’une quête de sens. Marie-Hélène en fait l’acquisition en 2004 avec son conjoint, le philosophe et écrivain Jean Bédard, dans l’espoir de rendre disponible un espace physique et relationnel à des personnes désirant y démarrer des projets agricoles, sociaux et éducatifs. S’il y a un principe sur lequel le couple souhaite bâtir, c’est celui du caractère commun de la terre. Dès leur arrivée sur les lieux, plusieurs projets portés par des jeunes voient le jour, allant de la culture de la terre, jardins, bâtiments, équipement, jusqu’à des projets de participation sociale ou de réflexions philosophiques. La plus belle façon de libérer un terrain et de lâcher définitivement prise avec la propriété privée, Jean et Marie-Hélène l’ont trouvée en faisant de SageTerre une Fiducie d’utilité sociale agricole (FUSA) en 2019. Une fiducie est une entité légale qui n’existe que pour l’accomplissement de sa vocation, qui ne peut être modifiée. Ainsi, SageTerre que nous avons connue en tant que collectif de projets écologiques et sociaux, restera pour toujours un collectif de projets écologiques et sociaux. À elle seule, cette idée nous laisse béates d’admiration.

À plusieurs reprises, Marie-Hélène répète qu’il nous faudra revenir l’été, plus vivant et bouillonnant. Certes, il n’y a pas grand-chose à voir en ce moment, mais quoi de plus beau que de vivre harmonieusement avec les saisons? L’hiver est dédié au repos, plus difficile à trouver quand arrive la saison chaude. Nous n’aurions d’ailleurs pas eu la chance de nous asseoir tout ce temps avec elle en plein été: Marie-Hélène le passe derrière les fourneaux, cuisinant les légumes cueillis directement du jardin pour nourrir toutes les fourmis qui travaillent la terre de SageTerre. Quand on lui parle de transition, on n’aurait pu s’attendre à une réponse plus sincère et fidèle à sa façon de vivre: «Avoir les deux pieds dans la terre et les mains dedans.»

Photos par Léa Ilardo 

Ce texte et ces photos font partie intégrante de l’exposition «Dans notre face: les transitions», projet collectif réalisé dans le cadre du programme Jeunes leaders pour l’environnement. Cette exposition comprend une série de portraits d’individus, de familles et de leur environnement qui témoignent, à leur manière, que différentes transitions – sociale, culturelle, écologique et politique – sont possibles, et bien vivantes.

Les portraits seront partagés graduellement sur plusieurs plateformes:

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