Un mouvement mondial

À l’heure actuelle, des milliers de poursuites climatiques ont cours à travers le monde. Les cas des Pays-Bas, aux États-Unis, en Belgique, en Norvège, en Irlande, en Suisse, en Nouvelle-Zélande et en Colombie sont parmi les plus médiatisés. 

Les actions juridiques pour le climat dans le monde connaissent des développements rapides. Pour les décisions les plus récentes, vous pouvez consulter la base de données de l'Université Columbia (en anglais seulement).

Pour accéder à la base de données

Neubauer et autres c. Allemagne (2021)


Neuf jeunes Allemands ont intenté un recours devant la Cour constitutionnelle allemande, alléguant que l’objectif étatique de réduction d’émission de GES de 55% était bien trop faible pour limiter l’augmentation des températures à 2°C. Ils reprochaient également au gouvernement allemand de ne pas avoir de plan de réduction des GES au-delà de 2030. Dans sa décision du 24 mars 2021, la Cour constitutionnelle allemande a partiellement donné raison aux jeunes requérants en s’appuyant sur le principe de proportionnalité de la charge à porter, selon lequel la réduction des émissions de CO2 doit avoir lieu avec prévoyance et être répartie dans le temps d’une manière qui ménage les droits fondamentaux de toutes les générations. La Cour ordonne au législateur de préciser des objectifs de réduction qui vont au-delà 2030, et ce, au plus tard en 2022.

La Rose c. Canada (2020)


Quinze enfants et jeunes de partout au Canada ont déposé un recours devant la Cour fédérale, alléguant que la conduite du gouvernement fédéral en matière de changements climatiques viole leurs droits en vertu des articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Le juge Manson a accueilli une demande de radiation du Procureur général du Canada à un stade préliminaire du dossier. Il a conclu que la réclamation des demandeurs n'était pas justiciable et qu'elle ne révélait aucune cause d'action raisonnable en raison de ce qu'il considérait comme l'ampleur excessive et la nature diffuse de la conduite contestée. La décision a été portée en appel et sera entendue par la Cour d’appel fédérale, conjointement avec l’appel dans Misdzi Yikh.

Mathur c. Ontario (2020)


Sept jeunes Ontariens ont intenté un recours devant la Cour supérieure de l’Ontario, contestant les décisions du gouvernement de l'Ontario de révoquer le système de plafonnement et d'échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (GES) et de réduire la cible de réduction des GES. Ils allèguent que la province viole de ce fait leurs droits en vertu des articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. La juge Brown a rejeté une requête préliminaire de la province visant à faire rejeter le recours, concluant que les questions soumises étaient à première vue justiciable. La Cour divisionnaire a rejeté la requête en autorisation d'appel de l’Ontario. Le procès débutera en septembre 2022.

Misdzi Yikh v. Canada (2020)


La Cour fédérale a rejeté comme non justiciable et sans cause d'action raisonnable une demande présentée par deux chefs héréditaires Wet'suwet'en au nom de leurs maisons respectives, qui alléguaient que l'omission du gouvernement fédéral d'agir pour contrôler les émissions de GES violait leurs droits en vertu des articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Les demandeurs cherchent, entre autres, à obtenir une déclaration selon laquelle le gouvernement du Canada a l'obligation constitutionnelle de maintenir la paix, l’ordre et le bon gouvernement en agissant pour maintenir les GES à des niveaux suffisamment bas pour éviter des changements climatiques dangereux. La décision a été portée en appel et sera entendue conjointement avec l’affaire La Rose.

Peña et autres c. Gouvernement de Colombie (2018)


Un groupe de 25 jeunes, appuyé par Dejusticia, a poursuivi le gouvernement colombien pour avoir échoué à respecter ses engagements climatiques. Dans un gain historique en avril 2018, la Cour suprême de Colombie a tenu le gouvernement responsable de ne pas freiner la déforestation croissante de la forêt Amazonienne, causant ainsi une augmentation de la température moyenne du pays et menaçant les droits des jeunes à la vie, à la santé, à l’alimentation, à l’eau et à un environnement sain. La Cour suprême a ordonné deux éléments principaux: élaborer un plan d'action à court, moyen et long termes pour mettre fin à la déforestation dans un délai de quatre mois, et créer un pacte intergénérationnel pour la vie de l'Amazonie colombienne dans un délai de cinq mois. La décision est également novatrice, car elle a reconnu que le bassin amazonien est un «sujet de droits». Il s'agit du premier cas climatique dans lequel un bassin hydrographique est reconnu comme étant un titulaire légitime de droits et dont les intérêts peuvent être représentés devant un tribunal.

«L’Affaire du siècle»: Association Oxfam France et autres (2018)


Quatre organisations environnementales ont uni leurs forces et entamé un recours contre l’État français afin que la justice reconnaisse la responsabilité de l’État et enjoigne au gouvernement d’adopter toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme aux manquements de l’État et réparer les préjudices subis. Par un jugement du 3 février 2021, le Tribunal administratif de Paris a condamné l’État pour inaction climatique et établi qu’il avait l’obligation de respecter sa trajectoire de réduction d’émissions de GES d’ici 2030. Il a de plus ordonné à l’exécutif de prendre avant le 31 décembre 2022 «toutes les mesures utiles» afin de réparer le préjudice écologique en compensant l’excès d’émissions de CO2 constaté entre 2015 et 2018.

Asghar Leghari c. Fédération du Pakistan (2015)


Asghar Leghari, un agriculteur pakistanais de 25 ans, a intenté un recours d’intérêt public contestant l’inaction du gouvernement fédéral pakistanais et du gouvernement de la province de Punjab face au changement climatique. Le 4 septembre 2015, la Haute Cour de Lahore a conclu que le retard dans l’exécution de la politique nationale de lutte contre les changements climatiques violait les droits fondamentaux des citoyens à la vie, à la dignité, à la propriété et à l’information. Parmi les réparations qu’elle ordonne, la Cour institue une Commission sur le changement climatique et impose au gouvernement de présenter une liste des actions qui peuvent être réalisées dans les mois qui suivent.

Urgenda Foundation c. Royaume des Pays-Bas (2013)


La Fondation Urgenda a poursuivi les Pays-Bas devant les tribunaux au nom de près de 900 citoyens, arguant que le gouvernement avait failli à son devoir de les protéger en adoptant des cibles de réduction des émissions de GES insuffisantes. En première instance, la Cour a déclaré en 2015 que le gouvernement avait échoué à son devoir de protéger et devrait avoir un plan pour réduire ses émissions de GES d’au moins 25% en 2020 par rapport aux niveaux de 1990. Le gouvernement a fait appel de cette décision en septembre 2015, bien qu’il ait accepté de travailler avec Urgenda pour réduire les émissions totales du pays. En octobre 2018, la Cour d’appel de La Haye a confirmé la décision de première instance, obligeant le gouvernement des Pays-Bas à élever son niveau d’ambition climatique et à réduire ses émissions de GES pour protéger les droits humains de ses citoyens. Dans un jugement historique rendu le 20 décembre 2019, la Cour suprême des Pays-Bas a rejeté l’appel du gouvernement néerlandais et maintenu les ordonnances rendues par les tribunaux inférieurs