Les Juristes pour l’environnement à l’Université de Montréal

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Le 6 juin prochain, la Cour supérieure du Québec entendra la demande d’autorisation d’exercer une action collective contre le gouvernement du Canada au nom de tous les jeunes Québécois·e·s de 35 ans et moins, intentée par ENvironnement JEUnesse. L’organisme estime qu’en négligeant ses engagements internationaux en matière de lutte aux changements climatiques, le Canada brime les droits fondamentaux de la jeunesse québécoise.

ENvironnement JEUnessse c. Procureur général du Canada

ENvironnement JEUnesse, un organisme d’éducation environnementale basé à Montréal, a déposé sa demande d’autorisation le 26 novembre dernier. Ils en sont donc à la première étape dans le processus d’action collective. Représenté pro bono par le cabinet Trudel Johnston & Lespérance, spécialisé en actions collectives, l’organisme allègue que le comportement du gouvernement canadien contrevient à plusieurs droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que par la Charte des droits et libertés de la personne tels que le droit à la vie, à l’intégrité et à la sécurité de sa personne, le droit de vivre dans un environnement sain et à la protection de la biodiversité et le droit à l’égalité.

L’action collective recherche «une déclaration de la cour à l’effet que le gouvernement viole les droits des jeunes et une réparation à ces violations, se traduisant par la cessation de l’atteinte des droits protégés par la Charte et des dommages punitifs; de même que toute autre mesure jugée appropriée par la cour.»

Catherine Gauthier, directrice générale de l’organisme, rappelle que le Canada prétend jouer un rôle de leader environnemental depuis les quelques 25 dernières années comme le témoigne ses grands engagements internationaux en matière de lutte aux changement climatiques: Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (1992), Accord de Copenhague (2009) et Accord de Paris (2015). «Or, nos émissions de gaz à effet de serre n’ont fait qu’augmenter depuis 1990. Au lieu de réduire nos émissions de manière rapide, elles ont crû de 17%.»

En signant l’Accord de Paris en 2015, le Canada s’était engagé à limiter le réchauffement climatique sous le seuil des 2 degrés Celsius. Les signataires s’engageaient aussi à poursuivre les efforts afin de limiter la hausse des températures à 1,5 degré Celsius, seuil considéré comme le point de non-retour par le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC). ENvironnement JEUnesse dénonce donc une violation intentionnelle des droits d’une génération en raison du manque d’ambition de la cible de réduction que s’est donnée le Canada et du manque d’actions conséquentes pour atteindre une cible déjà insuffisante.

«Nous avons choisi de poursuivre le gouvernement parce que la crise climatique est sans précédent, et que toute l’information scientifique détaillée est entre les mains du gouvernement canadien», explique Catherine Gauthier.

Daniel Turp, professeur de droit à l’Université de Montréal et spécialiste du droit international et constitutionnel des droits fondamentaux, souligne d’ailleurs qu’une telle action collective permettrait d’avoir accès à de l’information cachée et d’en donner l’accès au public. «Prendre un recours, c’est aussi libérer de l’information, car on n’a pas le choix de partager de l’information pour se défendre.» Il rappelle toutefois que le processus d’action collective est de longue haleine et dépendra de la coopération du gouvernement et de sa sensibilité relative à sa réputation internationale.

De l’action à l’Université de Montréal: les Juristes pour l’environnement

Depuis quelques semaines, un groupe d’étudiant·e·s de la Faculté de droit de l’Université de Montréal se rassemble pour discuter d’un projet s’inspirant de l’action collective intentée par ENvironnement JEUnesse, mais qui serait plutôt dirigé contre le gouvernement du Québec.

Inspirés par le contexte de mobilisation mondiale sur la question de la crise climatique et les nombreux autres recours similaires intentés dans le monde (Pays-Bas, États-Unis, France, etc.), ces étudiant.e.s rappellent que les compétences en matière d’environnement sont partagées entre le fédéral et le provincial. Le Québec a donc aussi des comptes à rendre quant à son inaction.

Le groupe est supporté par Daniel Turp, qui explique à ce sujet que «le Québec a toujours dit avoir une personnalité internationale. Il a une procédure d’adoption de décret par laquelle il se déclare lié formellement par les engagements internationaux ratifiés par le Canada.» Il s’agirait d’une première puisque les tribunaux n’ont jamais testé la nature de ces engagements que le Québec a pris envers les traités internationaux.

Le projet des Juristes pour l’environnement n’en est encore qu’à ses débuts, soit la définition des modalités, la recherche de partenaires, etc.

Un espoir venu des Pays-Bas

Le recours qui inspire ENvironnement JEUnesse, les Juristes pour l’environnementet tous les autres recours intentés dans le monde présentement est le recours Urgenda, qui opposait une ONG néerlandaise contre les Pays-Bas. Le 9 octobre dernier, la Cour d’appel de La Haye a tranché en faveur de l’ONG et a sommé le gouvernement de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 25% d’ici 2020. Catherine Gauthier espère une ordonnance similaire pour le gouvernement du Canada.

Daniel Turp croit que ce précédent permet d’être optimiste. Qui plus est, il précise que, dans l’éventualité d’une décision favorable pour ENvironnement JEUnesse, «un État de droit ne peut pas ignorer ce qui se fait devant les tribunaux.»  Cela ne veut pas dire que le gouvernement canadien n’essaierait pas d’empêcher le jugement de suivre son cours, de le déclarer irrecevable, d’invoquer la primauté du droit interne, mais le processus l’obligerait quand même à se justifier, à produire des documents et il ne pourrait empêcher le débat public subséquent.

Cet article a été rédigé par Claudine Auger-St-Onge, étudiante au baccalauréat en Études Internationales de l’Université de Montréal. Pour joindre Jade Assayag et les Juristes pour l’environnement, envoyez un courriel.