Un jardin sur le toit du Cégep Limoilou
12 décembre 2019Comment en sommes-nous rendu·e·s là?
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13 décembre 2019Il y a nous, dans la salle, et eux·elles, sur le podium. Environ 200 Canadien·ne·s font face à quatre négociateur·trice·s surélevé·e·s, leur donnant une image d’autorité et de supériorité, créant donc un climat de confrontation que nous le voulions ou pas. Dans la salle, nous sommes fébriles, impatient·e·s et frustré·e·s par rapport aux négociations des premiers jours.
Avant même la fin de la première semaine, j’ai craqué. J’ai craqué comme toute personne dotée d’un minimum d’empathie. Il est simplement impossible de ne pas se laisser affecter par la dichotomie entre la réalité de la science climatique traduite par des histoires horrifiantes des gens qui vivent les impacts brutaux des changements climatiques et la lenteur bureaucratique et kafkaesque des négociations. Pourtant, qu’en est-il de ces bureaucrates, diplomates et négociateur·trice·s qui sont dans ces salles qui ont comme mandat de négocier pour notre futur, pour leur futur?
Jeudi le 5 décembre, souhaitant transmettre notre indignation face aux négociations et à l’hypocrisie du Canada qui se positionne comme un leader climatique à l’international, la période de questions lors de la rencontre avec la délégation canadienne a été particulièrement chargée. À deux reprises, toutes les 200 personnes dans la salle se sont levées pour applaudir en solidarité avec l’enjeu soulevé, rajoutant une pression énorme sur les fonctionnaires – à défaut d’une présence ministérielle – qui devaient nous répondre. Je pense tout particulièrement à cette dernière question, venant d’une jeune autochtone partageant un récit émouvant et une demande claire : le respect des droits et territoires autochtones doit passer par l’abandon et le refus de projets d’exploitation minière et pétrolière que le Canada continue à approuver encore aujourd’hui. J’ai vu, à cet instant, une des négociatrices craquer, elle aussi. Ses yeux se sont adoucis, son corps s’est incliné vers l’avant et elle a subtilement hoché de la tête; elle sympathisait avec la jeune autochtone. C’est là que j’ai compris que nous pouvions avoir des allié.e.s à l’intérieur de la machine.
Mais rapidement, le temps est venu de répondre aux questions. Elle s’est redressée en effaçant toute émotion de son visage et ses réponses étaient d’un stoïcisme épeurant. C’est là que j’ai vu que le moule rigide du système bureaucratique écrase toute émotion, empathie et réel leadership. Malgré tout, voir cette bribe d’humanité m’a donné confiance. Nous devons continuer à militer, à être authentiques et intègres, et à pousser. Petit à petit, nous allons casser ce moule.
*À propos de l’auteur: Tant professionnellement que personnellement, Félix Giroux se dévoue à co-créer la transition vers une société verte et inclusive. Il détient un baccalauréat en gestion durable de l’Université McGill et commencera sa maîtrise en politique environnementale à la London School of Economics en 2020. Il travaille présentement chez Credo, une firme-conseil en impact social, où il aide les organisations à imaginer leur rôle dans la transition écologique et la lutte aux changements climatiques ainsi qu’à avoir un impact social positif.
Crédit photo: David Tong